Un petit drink de temps en temps ?
Pas pour une femme enceinte car le Syndrome d’alcoolisation fœtale rôde et fait des ravages.
Quand maman boit un petit verre… bébé trinque! Une réalité méconnue à Maurice dont l’ampleur n’est pas encore bien définie; le Syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF), qui se traduit par de nombreux effets nocifs pour l’enfant, inquiète. C’est dans cette optique que des experts de l’île de la Réunion se sont déplacés dans notre île, la semaine dernière, pour informer sur la maladie et discuter, avec les autorités mauriciennes, de nos besoins face à ce problème.
Car, même si les chiffres ne sont pas encore connus, «l’alcoolisme chez les femmes atteint, ces jours-ci, des proportions inquiétantes dans le monde et même Maurice n’est pas épargnée», a souligné Sheila Bappoo, ministre de la Sécurité sociale, dans son discours concluant ce premier pas vers la mise en place d’un programme de lutte contre les effets de l’alcoolisation fœtale. Le lien n’est pas difficile à trouver; ce qui touche la mère a forcément un effet sur son futur enfant.
«La prise d’alcool pendant la grossesse affecte l’enfant qui va naître», résume le Dr François Tadebois qui a assisté à cet atelier de travail. Comme tout autre aliment, l’alcool consommé par la mère pénètre le placenta et expose l’embryon ou le fœtus aux effets néfastes de ce liquide. Les risques que l’enfant souffre du SAF sont majeurs au cours des premiers mois de la grossesse car les organes – foie, reins, cœur – sont en formation.
Il n’est pas nécessaire d’être alcoolique pour faire du mal à son bout de chou. Un verre ou deux, de n’importe quel type d’alcool, par jour suffisent bien souvent pour affecter l’enfant dans son développement et dans sa vie future. L’abstinence complète est donc l’attitude à adopter : «Ne pas consommer une goutte d’alcool pendant la grossesse serait l’idéal car toute injection d’alcool est mauvaise pour le fœtus», affirme le médecin généraliste.
Même, si certaines femmes enceintes se disent souvent : «Un petit verre, pourquoi pas ? Ca ne fait pas de mal», les dégâts provoqués par l’alcool sont nombreux et souvent irréversibles pour le bébé. Les effets qui résultent de l’alcoolisation fœtale provoquent, le plus souvent, des anomalies du système nerveux : une hyperactivité, un déficit intellectuel sévère qui engendre une faible performance scolaire ou encore des troubles du comportement : manque d’estime de soi, dépression, agressivité, entre autres.
Mais, la liste est longue et ne contient pas que de petits bobos qu’on peut soigner avec le temps.
Au-delà des troubles psychiques, il existe les malformations physiques et un retard de croissance qui marquent l’enfant à vie : «Un nez anormalement court et retroussé, des oreilles bassement implantées, un petit front, une réduction de la taille du crâne, une lèvre supérieure de petite taille, un rétrécissement des paupières, une mâchoire inférieure plus petite et en retrait. Il restera, aussi, toujours de petite taille», constate Dr François Tadebois. Malheureusement, le dénombrement de ces accidents qui jalonnent le développement, au creux du ventre d’une mère qui boit, de la petite lueur de vie ne s’arrête pas là. Le fœtus ou l’embryon, en contact avec l’alcool, peut souffrir de naissance prématurée, où souvent les organes vitaux ne sont pas suffisamment développés pour qu’il puisse survivre.
Le Syndrome d’alcoolisation fœtale peut affecter l’enfant de façon violente en l’affligeant de nombreuses malformations mais il peut aussi être moindre. Les combinaisons de maux, si on peut les appeler ainsi, varient cas par cas. La quantité d’alcool ingurgité par la mère et la durée de la période où elle a consommé vin, bière, rhum ou whisky sont aussi des facteurs importants : «Si la future maman arrête de boire à temps, le fœtus pourra se développer et ne présenter aucun effet de l’alcoolisation fœtale», affirme le généraliste.
L’implantation dans le système médical mauricien de ce programme de lutte contre les effets de l’alcoolisation fœtale pourra permettre, selon Sheila Bappoo : «Une détection précoce des symptômes d’une grossesse conçue et macérée dans l’alcool», pour éventuellement «éviter le pire, à savoir des bébés abîmés, atrophiés». Tout doit être mis en place pour que ces innocents n’aient pas à souffrir. Il
arrivera, peut-être, un moment où toutes les femmes diront : boire ou enfanter. Il faut choisir.
Géraldine, 36 ans, ex-alcoolique, et mère de deux enfants
«Ça fait sept ans, que j’ai arrêté de boire. Je suis mariée et j’ai deux enfants. Pendant ma première grossesse, je n’ai pas consommé d’alcool. Mon aînée a maintenant 14 ans et n’a aucun problème. Mais, pour ma cadette je passais par des moments difficiles et j’ai beaucoup bu.
J’étais consciente que je faisais du mal à mon enfant mais j’étais alcoolique. Ma fille a maintenant 10 ans et physiquement il n’y a rien d’anormal, elle est même très bonne sportive. Mais, elle souffre d’hype ractivité et a de la difficulté à se concentrer, à écrire ou à apprendre ses leçons. Elle est toujours à la recherche d’affection.
Je sais que c’est à cause du problème que j’avais avec l’alcool qu’elle est un peu décalée par rapport aux autres enfants. Je ne peux, malheureusement pas effacer le passé et c’est un grand sentiment de culpabilité que je ressens. Si j’avais à refaire ma vie je ne tomberais jamais dans l’enfer de l’alcool.
À un moment de ma vie, j’ai perdu ma mère et ma grand-mère en quelques mois. Je n’avais que 14 ans et je ne savais pas comment gérer cette solitude. Puis les problèmes se sont accumulés, je ne suis pas devenue alcoolique tout de suite. Un verre de bière comme ça, puis les choses se sont précipitées et je me suis retrouvée à boire toute la journée, même mariée.
Mon mari ne savait rien, il pensait que j’étais dépressive. Mais, quand il l’a découvert, en 1999. Il a été d’un grand soutien. C’est lui qui m’a emmenée au centre de Solidarité pour me faire soigner. Maintenant, je travaille au centre Étoile d’Espérance, qui s’occupe de la réhabilitation des femmes alcooliques.
J’ai recommencé à vivre. Mais, on reste alcoolique toute sa vie, c’est une maladie. Je trouve la force pour me battre à travers l’amour que me donnent mon mari et mes enfants».
Par Yvonne Stephen