Pas de « trêve des confiseurs » pour la lutte contre le syndrome et les effets de l’alcoolisation fœtale. La prévention ne connaît pas de répit pendant les fêtes, martèle la nouvelle campagne d’information régionale sur ce sujet. Pour Sylvie Gadeyne, chargée de mission à l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) du Nord-Pas-de-Calais, l’un des partenaires de cette campagne, les professionnels et des proches jouent un rôle important pour informer et soutenir les futures mamans.
Les rencontres festives de fin d’année multiplient pour les femmes enceintes aussi les occasions conviviales de consommer de l’alcool. Mais fêtes ou pas fêtes, l’alcool qu’elles absorbent passe directement de leur sang à celui du fœtus. Avec à la clé des risques importants de séquelles irréversibles sur son système nerveux central. C’est le message que rappelle la campagne orchestrée par la CPAM des Flandres et menée par les organismes de sécurité sociale du Nord-Pas-de-Calais (régime général, MSA, RSI) avec l’ARS, pendant le mois de décembre 2015 en direction des professionnels de santé, de la petite enfance et du grand public. Selon le Baromètre santé 2010 de l’INPES, 32% des femmes enceintes consomment en effet de l’alcool régulièrement et 3% chaque semaine… Alors que « toute consommation d’alcool constitue une prise de risque », rappelle Sylvie Gadeyne, chargée de mission à l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) du Nord-Pas-de-Calais, et que le SAF est la première cause de retard mental non génétique.
Toutes les personnes qu’une femme enceinte rencontre au quotidien peuvent l’aider à prendre conscience des risques et à s’abstenir de boire de l’alcool. La campagne se décline sous la forme de clips vidéo diffusés sur l’antenne de France3 Nord-Pas-de-Calais à des heures de grande écoute mais aussi d’interventions à la radio et d’affiches que l’Assurance maladie et les URPS distribuent aux médecins, sages-femmes, biologistes, etc. Selon Sylvie Gadeyne, la région est la seule où de telles campagnes sont menées, probablement du fait de la mobilisation précoce et décisive de plusieurs de ses professionnels de santé dans ce combat.
On ne connaît pas précisément la prévalence du syndrome d’alcoolisation fœtale (Saf) dans cette région : selon des données issues de l’activité hospitalière, il a été détecté chez 62 nouveau-nés en 2012 et 64 bébés ont été déclarés porteurs d’une affection liée à l’alcoolisation de leur mère. Par extrapolation, indiquent les promoteurs de cette campagne, 630 enfants de 0 à 5 ans seraient atteints de troubles liés à l’alcoolisation fœtale dans le Nord-Pas-de-Calais. D’une manière générale, les statistiques manquent sur le sujet. Et pour cause : si les signes du SAF sont parfois clairement détectables dès la naissance, voire lors les échographies des deuxième et troisième trimestres de grossesse, les formes moins sévères sont beaucoup plus difficiles à diagnostiquer. Les « effets de l’alcoolisation fœtale » (EAF) prennent en effet la forme de retard de croissance et/ou mental, de difficultés d’apprentissage, de troubles du langage, du comportement. Mais ils sont rarement diagnostiqués comme tels et l’accompagnement et la prise en charge précoces qui permettent d’améliorer les perspectives de développement de ces enfants sont mis en place, le cas échant, de manière tardive.
Les professionnels de santé et de la petite enfance peinent parfois à aborder la question avec les futures mamans, beaucoup plus que pour le tabac. Par manque d’information parfois. À cause des tabous qui persistent autour de la consommation d’alcool. Du fait des représentations aussi : le message « Zéro alcool pendant la grossesse » ne date que de 2002. « Beaucoup restent focalisés sur les formes sévères de SAF, remarque Sylvie Gaeyne. Pendant longtemps, la problématique s’est résumée au SAF, la forme la plus grave, alors qu’elle concerne moins d’enfants » que les EAF qui constituent aussi de véritables handicaps. L’idée que les risques de SAF ne concernent que les populations défavorisées perdure aussi, de même que celle du niveau de consommation à risque, poursuit la chargée de mission. Une des difficultés réside dans le fait que malgré les progrès de la recherche, on ignore encore quels sont les moments de la grossesse et les modes de consommation les plus à risque… « Certes, plus la consommation est importante, fréquente et précoce, plus les risques sont importants, souligne-t-elle. Mais le risque de séquelles survient aussi avec des consommations peu importantes mais régulières ou ponctuelles mais importantes… »
L’ANPAA anime des formations actions sur les addictions et la périnatalité dans lesquelles l’alcool est naturellement abordé. Elle vise à permettre à chaque professionnel de la santé et du social d’évoquer plus facilement la consommation d’alcool avec toutes les femmes enceintes, insiste Sylvie Gadeyne. Une démarche qui relève selon elle de la responsabilité professionnelle. Chacun peut intervenir à son niveau, ajoute-t-elle. Les uns pour délivrer les messages de base et orienter les femmes, les autres pour les accompagner durant toute leur grossesse. Ces stages pluridisciplinaires (le prochain aura lieu sur le territoire d’Arras) permettent aussi de tisser des relations entre acteurs concernés une sorte de réseau.
Géraldine Langlois
http://www.hubsante.org/sam/1674_alcoolisation-fœtale-la-prévention-continue-pendant-les-fêtes