Même à faible dose, l’alcool consommé par les femmes enceintes a une indicence sur le développement du bébé.
GROSSESSE ? : L’ALCOOL, MÊME À TRÈS PETITE DOSE, A AUSSI UN IMPACT SUR LE FŒTUS
Peu d’études ont analysé les conséquences d’une faible consommation d’alcool durant la grossesse. Des chercheurs australiens se sont penchés sur la question.
Selon une étude réalisée pour Santé publique France, en 2016, les dangers liés à la consommation d’alcool durant la grossesse restent largement sous-estimés par les Français. Et l’une des questions qui fait régulièrement débat est de savoir à partir de combien de verres l’alcool devient dangereux pour le foetus.
Jusqu’alors, les études portaient généralement sur le cas d’alcoolisation massive de femmes enceintes. Pour la première fois, une équipe de chercheurs de l’université de Melbourne s’est penchée sur la consommation d’alcool à plus faibles doses pendant la grossesse. Leurs résultats, publiés dans la revue spécialisée « Jama Pediatrics » , montrent que même de faibles doses peuvent avoir un impact sur le visage du bébé.
Malformations du visage…
Dans les cas les plus extrêmes de syndrome d’alcoolisation foetal (SAF), on observe chez le nouveau-né des malformations au niveau du visage, un retard de croissance et un déficit mental. En analysant la morphologie faciale de 415 enfants nés de grossesses jugées à bas risque, les chercheurs ont retrouvé des traits caractéristiques du SAF « autour du milieu du visage, du nez, des lèvres et des yeux ».
Pendant l’étude australienne, les mères ont à chaque fois indiqué leur consommation d’alcool, et les foetus ont été faiblement exposés : moins de 7 verres par semaine et jamais plus de deux verres par occasion. Conclusion : les mêmes traits caractéristiques ont également été constatés lorsque les femmes ont arrêté totalement de boire de l’alcool au cours du premier trimestre de grossesse.
Les modifications morphologiques du foetus étaient si subtiles qu’elles restaient toutefois invisibles à l’oeil nu. Les auteurs de l’étude préviennent d’ailleurs qu’il est impossible de savoir si ces changements dans le visage seront associés à des difficultés cognitives – présentes dans un SAF lié à une très forte consommation d’alcool.
L’étude de l’équipe australienne vient en tout cas conforter la recommandation de zéro alcool pendant toute la grossesse. Une recommandation jusqu’alors contestée par certains, du fait de preuves tangibles manquantes.
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Même à faible dose, l’alcool consommé par les femmes enceintes a une indicence sur le développement du bébé.
Par Soline Roy
Publié le 14/06/2017
À moins de 2 verres par jour, en revanche, les dangers sont mal connus. Or « il n’est pas toujours facile de dire aux femmes enceintes de ne pas boire du tout, sans preuve solide », regrette le Pr Michel Reynaud, addictologue, président du Fonds action addictions et concepteur du portail Internet Addictaid.
« Ce type d’études est important car certains essaient de remettre en cause le dogme du zéro alcool pendant la grossesse »
Pr Mickaël Naassila, de l’Inserm
Une équipe de l’université de Melbourne (Australie) publie dans la revue Jama Pediatrics une étude montrant que l’apparence physique caractéristique des enfants souffrant du SAF peut être retrouvée chez des bébés exposés à l’alcool durant la grossesse, même à de plus faibles doses. «Ce type d’études est important car certains essaient de remettre en cause le dogme du zéro alcool pendant la grossesse» au motif que les preuves manquent, met en garde le Pr Mickaël Naassila, directeur du groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances à l’Inserm.
Les auteurs ont analysé la morphologie faciale de 415 enfants nés dans des maternités accueillant des grossesses à bas risque. Recrutées au début de la grossesse, les mères indiquaient leur consommation (fréquence, quantités, types d’alcool) dans les trois mois précédant la grossesse, puis tout au long de celle-ci. À 1 an, le visage et le crâne des bébés étaient photographiés en 3 dimensions.
« L’un des mérites de cette étude est de mettre en lumière le potentiel de l’imagerie faciale pour améliorer le diagnostic »
Les auteurs ont eu la surprise de retrouver, même chez les enfants faiblement exposés (moins de 7 verres par semaine et jamais plus de 2 verres en une occasion) et même si les mères avaient cessé de boire au cours du 1er trimestre de grossesse, des traits caractéristiques du syndrome d’alcoolisation fœtale en particulier « autour du milieu du visage, du nez, des lèvres et des yeux », écrivent les auteurs. Ces modifications morphologiques étaient fines et tellement subtiles qu’elles n’étaient pas détectables à l’œil nu. « L’un des mérites de cette étude est de mettre en lumière le potentiel de l’imagerie faciale pour améliorer le diagnostic », écrivent les auteurs d’un éditorial associé à la publication. Un enjeu important pour une prise en charge précoce, surtout dans les formes incomplètes du syndrome.
Mais l’étude montre surtout que même à faible dose, l’alcool a une influence sur le développement du fœtus. « Le dimensionnement et le positionnement des éléments de la face démarrent 17 à 18 jours après la conception, avant que la plupart des grossesses soient reconnues », expliquent les auteurs. « Si les auteurs ont retrouvé des anomalies faciales à faible dose, il y a une certaine logique à penser que des anomalies cérébrales puissent aussi apparaître », juge le Pr Michel Reynaud.
Les auteurs mettent en garde: impossible à ce jour d’affirmer que des difficultés cognitives seront associées aux très légères modifications faciales observées. Mais une chose est sûre : quelle que soit la dose ingérée, l’alcool traverse le placenta et le fœtus a strictement le même taux d’alcoolémie que sa mère. Boire un « simple » verre de vin chaque jour pendant toute la grossesse, c’est donner à son bébé 270 fois 10 grammes d’éthanol, soit… 2,7 litres d’alcool pur. À un âge où le foie n’est pas encore capable de le métaboliser.
http://sante.lefigaro.fr/article/l-alcool-modifie-le-visage-des-foetus