Le pays a investi dans des projets à long terme dès 1986, avec un plan national de prévention et soutien aux malades. Des associations professionnelles comme la Société canadienne de pédiatrie, des universités et des organismes privés ont emboîté le pas pour des actions de prévention, d’intervention et de recherche. En 1999, le ministère fédéral de la santé en faisait aussi une priorité, injectant des fonds pour des « projets stratégiques » dans ces trois domaines. Des experts tels qu’Albert Chudley, du département de pédiatrie à l’université du Manitoba, ont participé aux recherches pour créer et tester un kit de détection, avec l’objectif d’en généraliser l’utilisation.
Louise Nadeau, spécialiste de l’épidémiologie de l’alcool et présidente de la Fondation canadienne pour la recherche sur l’alcoolisation fœtale, juge ces études essentielles « pour pouvoir intervenir le plus tôt possible et faciliter la réadaptation des enfants. Le tableau est difficile à dresser, avoue–t–elle, les mères qui ont consommé de l’alcool durant leur grossesse ayant du mal à le reconnaître. »
Outils de diagnostic
D’autres recherches en cours portent sur des biomarqueurs des TCAF, des outils de diagnostic comme le Neurobehavioral Screening Tool et le test de méconium (les premières selles du nouveau-né), l’un des plus prometteurs. Des études sont également menées sur les facteurs génétiques, nutritionnels et socio-économiques qui contribueraient au développement des troubles.
Recherche, prévention et services aux personnes affectées sont les trois volets d’une multitude de programmes provinciaux et territoriaux. Un effort majeur a aussi été fait pour concevoir des fiches et guides pratiques pédagogiques à l’intention des femmes, parents, personnes atteintes, éducateurs et professionnels de la santé. L’un des programmes les plus complets, Motherisk, a été lancé en 1998 par l’Hospital for Sick Children de Toronto. Son guide fait le tour des écoles et agences sociales de l’Ontario, et son « numéro vert » d’informations et conseils sur la consommation d’alcool joue un rôle unique dans la prévention des TCAF. Motherisk offre en outre des services aux enfants atteints, avec suivi après diagnostic.
Plusieurs provinces et territoires ont par ailleurs développé des programmes scolaires spéciaux et des manuels pour les enseignants. A Winnipeg, où les cas de TCAF sont nombreux (en raison d’une forte proportion d’autochtones dans le Manitoba), le centre Fast a adopté dès 1996 une approche multidisciplinaire avec les écoles pour permettre aux jeunes diagnostiqués d’être scolarisés, si possible dans des classes normales. Une équipe d’intervenants assure le suivi des élèves. Motherisk a pour sa part établi en 2012 la première classe spéciale pour élèves affectés par des TCAF en Ontario.
Le Canada est aussi un modèle dans la prise en compte des TCAF par le système judiciaire. De nombreux adolescents et jeunes adultes affectés ont des démêlés avec la justice, n’ayant pas ou peu conscience des conséquences de leurs actes ; et ils courent un risque élevé de récidive. Selon Egon Jonsson, directeur de l’Institute of Health Economics d’Edmonton, de 30 % à 50 % des personnes incarcérées souffriraient de TCAF, mais peu seraient diagnostiqués. Pour renverser la vapeur, on prône la généralisation de tests de dépistage en prison. L’Association du barreau canadien s’est penchée sur la question des TCAF en 2010, demandant notamment que la détermination des peines en tienne compte. Un site de référence, fasdjustice, a même été créé pour renseigner les professionnels de la justice et les aider dans leurs rapports avec les accusés, victimes ou témoins.