« On se sent un peu abandonnée ; on ne sait pas vers qui se tourner. » Un an après la disparition de Réunisaf et le licenciement d’Annick Maillot et de Martine Ribaira, ses deux animatrices de prévention, Brigitte (*) ne cache pas son désarroi. Cette Saint-Pierroise mère de cinq enfants en bas âge a du mal à se faire à l’idée qu’elle ne peut plus compter sur Annick – du moins plus comme avant.
Brigitte a trente-cinq ans ; elle en avait vingt-trois lorsqu’elle a pris ses premiers verres d’alcool. C’était lors de dîners ou de fêtes auxquels elle se rendait avec son mari, « bien placé » dans l’échelle sociale, comme on dit.
Dans la vie de la jeune femme les verres se sont progressivement enchaînés et son alcoolisation a fini par inquiéter son époux.
« C’est lui qui a pris conscience qu’il y avait un problème et qu’il fallait faire quelque chose avant qu’il soit trop tard. »
Brigitte fait alors mine d’arrêter mais elle continue à boire en cachette. Jusqu’au jour – c’était en 2011 – où son mari s’en aperçoit et décide de l’emmener à l’Institut Robert – Debré, une clinique de Saint-Gilles-les-Hauts spécialisée en addictologie.
« J’ai réussi à guérir grâce à elle »
À la fin de la consultation, le médecin de l’établissement téléphone à Réunisaf pour demander que la jeune femme puisse bénéficier d’un accompagnement. « Annick m’a rappelée tout de suite et elle est venue à la maison l’après-midi même », rapporte Brigitte.
À partir de ce jour-là, l’animatrice de prévention ne l’a plus « lâchée ». « Elle venait une fois par semaine. À domicile, ce qui est énorme pour la vie quotidienne. On parlait de tout et de rien, on rigolait, j’oubliais mes soucis. Elle me soutenait moralement. Elle m’a forcée à prendre conscience de ce qui, à part l’alcool, me ferait plaisir, à avoir des projets. C’est grâce à elle que j’ai pu passer mon permis de conduire, moi qui n’avais aucune confiance en moi.
« Lorsque j’allais voir le médecin addictologue, une fois par mois, elle m’accompagnait et gardait les enfants dans la salle d’attente. Des choses toutes simples mais très importantes. Aux enfants, elle a expliqué qu’elle était là pour aider leur maman qui avait une « maladie « . Mais sans prononcer le mot alcool : en les préservant, quelque chose que je ne serais pas arrivée à faire.
« Je ne buvais jamais pendant la semaine ; et quand arrivait le week-end, avec les fêtes chez des amis, comme Annick venait le lundi, je savais que je ne pouvais pas m’alcooliser. C’était énorme. J’ai réussi à guérir grâce à elle. »
Brigitte est restée trois ans abstinente. À la dernière fête des mères, elle a « retouché au champagne ». Se sentant rechuter, elle a spontanément rappelé Annick, pourtant aujourd’hui au chômage. « À mon entourage, je ne peux rien dire. Ce sont des choses qui doivent restées cachées, sinon on vous traite comme une vulgaire alcoolique. C’est vrai que je peux aller voir un médecin, mais c’est autre chose. Mais à Annick, je peux raconter tout ça. Elle est comme mon ange gardien. Pour nous, elle est devenue comme quelqu’un de la famille. »
Par Hervé SCHULZ / Le Quotidien de la Réunion – samedi 16/08/14
(*) Le prénom et la commune ont été changés.