Selon une étude de l’OCDE sur la consommation d’alcool, les femmes les plus diplômées sont celles qui boivent le plus en moyenne, à cause du stress. Différence notable : à la Réunion, les plus grandes consommatrices d’alcool sont surtout les étudiantes et les personnes vulnérables. 55 femmes meurent à cause de l’alcool par an.
Selon l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique), la consommation abusive (soit plus de 210 grammes d’alcool pour les hommes et 140 pour les femmes) a considérablement augmenté.
En France, par exemple, 20 % de la population ingurgite, à elle seule, pas moins de 50 % de la quantité totale d’alcool bue dans le pays.
Son étude datant du 12 mai 2015 révèle que les Français seraient les troisièmes plus grands consommateurs d’alcool parmi les pays occidentaux. Un record quand on sait que la moyenne européenne s’élève déjà à 10 litres d’alcool pur par an et par habitant (soit l’équivalent de 100 bouteilles de vin). En métropole, les femmes sont trois fois moins nombreuses que les hommes à consommer quotidiennement de l’alcool (6 % contre 18 %). « Plus l’âge s’élève, plus les écarts de prévalence entre les hommes et les femmes augmentent », indique la plate-forme d’échanges et d’informations drogues et dépendance Outre-Mer.
« 21 % de femmes (contre 52 % chez les hommes) déclarent un épisode de beuverie express (absorption massive d’alcool, généralement en groupe, visant à provoquer l’ivresse en un minimum de temps) au cours de l’année. Chez les femmes la prévalence est maximale chez les 20-25 ans (40 %). » En outre, « 11 % des femmes sont concernés par des ivresses. Les épisodes d’ivresse au cours de l’année augmentent de façon plus importante chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans chez qui la consommation ponctuelle de quantités importantes est passée de 30 à 42 % entre 2005 et 2010, et l’ivresse au cours de l’année de 20 à 34 % ». À la Réunion, plus de 6 550 000 litres d’alcool pur ont été proposés à la consommation en 2013, dont 2/3 de bière. À 17-18 ans, 82 % des jeunes ont déjà testé l’alcool.
L’RAJUFA est témoin de cette consommation qui se féminise. « Avant, on voyait les femmes porter plainte contre des conjoints violents et alcooliques. De plus en plus, on voit que l’alcool est présent aussi bien chez l’homme que la femme ».
« Cette maladie fait peur car c’est un désordre de la nature féminine »
“Le caractère tabou de l’alcoolisme au féminin et le fait que la femme a honte d’en parler rendent difficile un diagnostic précis” : Adèle Beveraggi a présenté un mémoire sur cette thématique en 2012 à l’Université de la Réunion. Elle préparait alors un Diplôme Universitaire en addictologie.
À l’époque, elle avait interrogé de nombreuses femmes qui avaient un penchant pour l’alcool. Certaines étaient à la rue. « 80 % d’entre elles avaient été victimes d’incestes ou d’abus », constate Adèle Beveraggi, assistante sociale à l’association Rive. « J’ai rencontré notamment une femme qui prenait de l’alcool et de l’héroïne. Elle avait été victime d’inceste, abusée par son père mais aussi par son oncle », se souvient-elle. Les victimes de l’alcool ont développé un sentiment de honte. « Le regard de la société est culpabilisant », remarque l’auteure. Une femme est une mère, une femme au foyer et doit donc « se tenir ». D’ailleurs, le conjoint cache l’état de sa compagne ou épouse afin de se protéger.
Dans son mémoire, l’assistante sociale indique que la victime “met en place une stratégie” pour qu’il ne ressorte rien de sa consommation. Elle va s’alcooliser en début de journée, en évitant une intoxication trop forte pour être à jeune, au moment du retour des enfants et au retour de son conjoint à la maison. Ce qui fait de l’alcoolisme féminin une maladie clandestine. D’où la difficulté pour identifier et analyser la problématique.
Du côté psychologique, l’anxiété, la dépression et la solitude se retrouvent chez la majorité des femmes alcooliques. « 50 % d’entre elles ont fait au moins une tentative de suicide (.) En buvant, la femme cherche l’oubli et l’apaisement de ses angoisses ». Les femmes qui boivent n’osent pas parler, de peur d’être jugées. « Elles mettent du temps à envisager des soins. Certaines ne le font pas. Cette maladie fait peur car c’est un désordre de la nature féminine. Les femmes perdent leur féminité et deviennent semblables aux hommes dans les lourdeurs de l’ivresse ».
La consommation féminine est davantage visible à travers le SAF (syndrome d’alcoolisation fœtale).« 12 enfants sur 14 500 naissent avec le SAF », indique Adèle Beveraggi. « La mise en contact précoce du fœtus avec le produit alcool entraîne, à terme, à des degrés variables, des malformations physiques, cérébrales et des troubles comportementaux, générateurs de conduites d’exclusion sociale ».
De Juliane Ponin-Ballom
Clicanoo.re / publié le 28 mai 2015
Pourquoi les femmes sont de plus en plus victimes de l’alcool