Le 9 septembre a été décrété Journée internationale pour la prévention du Syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF). L’addictologue Thierrry Maillard est l’invité de l’ONG Étoile d’espérance, qui vient en aide aux femmes dépendantes à l’alcool. Il participe à la campagne de prévention de l’association contre le SAF.
Qu’est-ce que l’addictologie?
C’est l’accompagnement de conduites à risque vis-à-vis de produits de dépendance tels que l’alcool, le tabac et les drogues illicites mais aussi des dépendances sans produits comme le jeu, Internet et la sexualité.
D’après la classification mondiale, l’addiction est-elle une maladie ?
D’après la classification mondiale DSM-5, l’addiction est une maladie médico-psycho-sociale car elle entraîne une souffrance physique, des envies incontrôlables et un syndrome de sevrage en l’absence du produit.
S’il s’agit d’une maladie, pourquoi n’affecte-t-elle que certaines personnes ?
Nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie car notre cerveau n’est pas constitué de la même manière. Notre société est basée sur la notion plaisir/déplaisir. Certains chercheront du plaisir avec le tabac alors que pour d’autres, ce sera avec l’alcool.
Lorsqu’une addiction pour un produit a été sevrée chez une personne, celle-ci développera-t-elle forcément une addiction pour un autre produit ?
Lorsque l’on éprouve du plaisir avec un produit, on atteint une limite avec ce produit. Quand une personne met fin à cette dépendance, il arrive souvent qu’elle essaie de se tourner vers un autre produit, sauf si elle est convenablement accompagnée.
Le SAF touche combien d’enfants ?
Actuellement, 1 à 3 % des enfants ont un SAF mais on estime à 1 % le nombre d’enfants souffrant des conséquences de l’alcool pendant la grossesse. Cela signifie que sur 15 000 naissances à Maurice, 150 enfants naissent chaque année avec – surtout – des atteintes cérébrales.
Ces symptômes ont été définis par l’Institut de médecine de Washington aux États-Unis en 1996 et recorrigés en 2005. Ils sont : un retard de croissance se manifestant par une insuffisance du poids ou de la taille (à Maurice, 17 % des bébés présentent un retard de croissance), des malformations de tous types, les plus fréquents étant au cœur et au cerveau.
Et si les problèmes cardiaques peuvent se soigner, les malformations du cerveau sont irréversibles. Les bébés SAF ont un souvent un petit périmètre crânien, leur cerveau est petit. Ils auront des troubles du développement qui pourraient se traduire par un retard du langage, des difficultés de mémorisation, des problèmes d’attention, d’hyperactivité, bref, des enfants difficiles à gérer. Souvent, on le remarquera tardivement quand ils seront en situation d’échec scolaire.
Le nombre de bébés souffrant de SAF est en hausse car l’alcoolisation se féminise ; les jeunes filles et les jeunes hommes commencent à boire beaucoup plus tôt. Il y a aussi une méconnaissance du SAF tant de la part des femmes que des professionnels de santé. D’où l’intérêt de miser sur la prévention et le dépistage précoce.
La prévention comprend trois axes : le volet primaire comme le fait l’organisation Étoile d’Espérance qui mène une campagne pour zéro alcool pendant la grossesse – idéalement, cela devrait être zéro alcool dès que l’on a l’intention de concevoir. L’ONG a fait imprimer 63 000 brochures qui seront insérées dans l’édition de 5-Plus Dimanche du 13 septembre.
Les brochures seront également distribuées aux professionnels de la santé des secteurs public et privé. Cette sensibilisation se fera aussi à travers 77 affiches sur des billboards à travers l’île et 21 spots radio seront diffusés. L’ONG a également fait imprimer des posters pour Rodrigues.
Il y a ensuite la prévention secondaire qui consiste à se tourner vers les femmes qui s’alcoolisent pour diverses raisons durant la grossesse – ignorance des méfaits, déni ou dépendance impossible à sevrer – et qui ont besoin d’être accompagnées.
La prévention tertiaire est celle tournée vers l’enfant qui souffre du SAF. Il doit être pris en charge rapidement pour être accompagné dans sa vie sociale. Les enfants concernés doivent être suivis de façon continue dans leur développement jusqu’à leur scolarisation. Étoile d’Espérance ne pourra être partout. Il appartient aux ministères de la Santé et de l’Égalité du genre de jouer leur rôle, notamment dans le devoir d’information du consommateur. Il faut aussi aider les professionnels de santé à reconnaître le SAF.